J'aime le souvenir de ces époques innocentes où j'étais encore ce corps chétif qui vagabondait dans les jardins et trouvait le plaisir de l'aventure dans chaque feuilles que les saisons arrachaient aux arbres. Ces mêmes saisons qui, en se suivant, nous volent nos joies puériles, nos fascinations abusives, nos peines futiles. Seuls nos rêves restent intemporels et défient encore l'infinité du temps.

L'origine des miens remontent à mon enfance. J'ai toujours été cet être capricieux avec un caractère illogique né d'un mode de vie luxueux et d'une éducation certainement trop rude. J'ai vécu dans une de ces familles aisées, où l'absence de parents trop consacrés à leur travail force les générations à devenir indépendantes, à graver l'indifférence, la sagesse, l'intelligence, l'humilité, le respect sur leur teint, à peupler leurs yeux de visions de gain, de fortune et à ne compter que sur elles-mêmes, puisque la richesse attire la haine des uns et l'hypocrisie des autres. Néanmoins, malgré mon évolution dans ce monde trop absurde, je n'ai jamais connu les complaisances de la solitude. J'ai partagé mes chagrins, mes folies, mes émotions et mes ressentis avec une seule et unique personne et ce, depuis mon plus jeune âge : Shin Jun Ji. Ah, la belle paire. Nos vies similaires nous ont permis de nous épauler. Il réussissait toujours à trouver refuge et réconfort dans son admiration pour la danse. Moi, je trouvais plaisir à écouter les différentes musiques qui rythmaient ses pas. Comme un amour inconditionnel qui ne faisait que s’accroître à chaque fois qu'une quelconque note atteignait mes tympans. Au point qu'au fur et à mesure des jours, ma voix devenait le seul instrument qui accompagnait ses danses dans les cours de récréation.

Durant le lycée, l'alliage de notre adulation pour l'art fomenta l'envie de créer notre propre groupe. Il suscita les encouragements, les compliments, les ravissements, et la prise de conscience qu'un talent sommeillait derrière notre amour pour la danse et le chant. Vînt la question de notre avenir. L'esprit gorgé de songes, pour nous, nos futurs avaient déjà puisé leur idéal dans le désir de percer dans le monde de la musique. Mais nos ambitions allaient à l'encontre des choix de nos parents qui nous parlaient de folie passagère, de quelque chose de complètement ridicule, que nos rêvasseries engendreraient simplement la honte de nos familles, le mépris de nos ancêtres, la pauvreté et la solitude. Dans cet univers fourbe basé sur la luxuriance de l'aisance, un vœu personnel de profession était complètement absurde et impensable. Même avec ces moqueries accumulées, rien ne nous désarmait. Nous savions que l'art fleurit avec le plus de sève et d'énergie, et que de ce fait, les sacrifices allaient se lister interminablement tout au long de nos chemins singuliers. La détermination et la volonté nous animaient. Nous cherchions désespérément une échappatoire, histoire de fuir ces principes de vie trop exigeants, de partir loin de ces gens qui ne comprenaient rien à nos réelles envies. Nous passions en revue toutes les excuses possibles et inimaginables. Même les plus loufoques. De la fugue au kidnapping en passant même par une multitude de maladies. Mais rien d'assez réaliste. Il nous manquait cette vertu visiblement indispensable : la patience. Nous réalisions que, tant que nous étions sous la responsabilité de nos parents, aucun projet n'était envisageable. Armés d'impassibilité et de persévérance, nous patientions deux années. Deux longues années jusqu'à ce que j'atteigne la majorité. Cette majorité qui nous était synonyme de liberté, d'indépendance.

Enfin, avec volonté et passion inaliénables et inégalables, je rejoins Korea University of Art, insatiablement avide de reconnaissance, de célébrité, d'une victoire personnelle trop longtemps attendue, et rien ni personne ne m'en détachera.