Mon professeur de danse s'était acharné ce jour-là sur tout le groupe, à croire que sa femme l'avait plaqué. Résultat, je m'étais coltinée un "devoir" : trouver une musique correspondant à la chorégraphie que nous venions d'apprendre, et y ajouter du mien. Pour ce faire, j'avais passé mon après-midi à m'entraîner en compagnie de Chul Hei, que j'avais rencontré par une miraculeuse coincidence. Depuis le temps que je le croisais dans les couloirs de la résidence, je n'avais jamais eu un moment avec lui, comme l'année précédente, lorsque je prenais encore des cours de danse à Séoul. Comme je l'espérais, il avait réussi à "me débloquer", en réglant le problème que j'avais rencontré à cause du choix d'une musique. En rentrant à la résidence, je me rendis compte à quel point cette journée avait été fatigante. Je n'avais même pas eu de temps pour me restaurer normalement. De plus, un autre problème de taille me tracassait depuis la soirée organisée par les sunbae de l'université. J'avais expressément dit et répété à Ki Sang de rester loin de moi. Je m'étais promis de l'oublier dans un coin de ma tête. Mais après l'avoir moi-même embrassée, sous l'effet de l'alcool ... ou non, son image revenait sans arrêt dans ma tête. Je n'arrêtais pas de me blâmer pour ce que j'avais fait, mais ce n'était pas assez. Qu'étais-je censée faire maintenant, pour éviter cette confusion de sentiments divers? Et ma rencontre avec Chul Hei n'avait rien arrangé. C'était une personne formidable, avec laquelle j'arrivais à être moi-même, sans avoir besoin de me braquer ou me protéger. Tandis que mes pensées défilaient, je me tenais sous la douche afin que toute la fatigue accumulée parte en même temps que l'eau qui s'écoulait. Après avoir terminé cette séance de détente, je mis un simple short, un t-shirt et un pull, et descendit en tongues pour voir s'il restait quelque chose à manger dans le salon de la résidence. Peut-être qu'un paquet de gâteaux ou quelque chose comme ça y trainait, de cette manière, je n'aurais pas à me déplacer jusqu'à la cafétéria, c'était trop loin pour aujourd'hui, et je ne voulais pas quitter la résidence à moins d'une alerte incendie.

Alors que j'allais poussé la porte ouvrant au salon, j'entendis du bruit venant de la pièce. Pourtant, j'étais sûr d'être seule lorsque j'étais rentrée. Je la poussais finalement, après quelques secondes de réflexion, pour trouver Ki Sang, allongée sur le canapé. Je sursautais en entendant mon nom sortir de sa bouche, mais me calmais rapidement, lorsque je me rendis compte qu'il parlait, ou plutôt marmonnait dans son rêve. « Pas Myung Hee ... » disait-il. Je sursautais en entendant mon prénom. Je me demandais bien ce dont étaient remplis ses rêves à ce moment-là. Était-il également troublé par ce que j'avais osé faire pendant la soirée ? Se tourmentait-il autant que moi ? Je me posais bien des questions, mais je ne voulais pas y donner de réponses, pour ne pas être trop déçue le moment où les explications viendraient. Car je me doutais bien que Ki Sang allait me le demander. J'avais déjà une réponse toute prête pour cette situation, restait à savoir si j'arriverais à avoir un jeu digne d'un acteur de grand renom, pour le bluffer. Je ne savais pas moi-même quoi penser, alors que pouvais-je lui répondre ? Je m'approchais du jeune homme, pour le voir de plus près. Chaque trait de son visage était crispé, et ce que j'avais pris pour un rêve était sûrement un cauchemar. Je me félicitais intérieurement du fait que je ne parlais jamais dans mon rêve, avec de secouer le jeune homme troublé à l'aide de mes deux mains. Il se leva en sursaut, sûrement à cause de ce sommeil qui n'avait rien de réparateur. Je décidais de me passer de commentaires sur les choses qu'il avait pu dire à l'oral.

« Enfin réveillé, la belle au bois dormant ? Tu sais que t'as dû faire peur aux gens dans un rayon de 20km, tellement du ronfle fort. »

Bien entendu, c'était une blague, j'espérais qu'il comprendrait mon humour. Si il se vexait, c'était qu'il était bien coincé ce pauvre Ki Sang. Je continuais, d'un ton plus sérieux.

« La prochaine fois, essaye de t'endormir dans ton lit, parce que je t'avoue que le canapé te réussit pas trop ! »

Je lui adressais un grand sourire, avant de me diriger vers le garde-mangé de la résidence. J'y trouvais un paquet de cookie non-entamé. Heureusement que ce genre de nourriture ne me faisait pas grossir, parce que sinon je l'aurais jeté à l'instant dans la poubelle !

Alors que j'attrapais le paquet de gâteaux et refermais violemment la porte du placard, j'entendis pour la seconde fois la voix de Ki Sang, mais cette fois-ci, il semblait être bien réveillé.

« J'ai dit … Enfin, tu as entendu quelque chose ? »

Je me retournais pour faire face à mon interlocuteur, qui semblait bien mal. En même temps, dormir sur un canapé, ce n'était pas la chose la plus intelligente à faire pour un danseur. Un lit était la meilleure alternative possible pour ne pas se retrouver aussi fatigué et courbaturé que semblait l'être Ki Sang après sa petite sieste. Pour ne pas l'embarrasser encore davantage qu'il ne l'était déjà, je décidais de me taire pour cette fois.

« Je t'ai dit que tu ronflais, pas que tu parlais. 'Faut écouter quand je parle ! »

J'embarquais une petite bouteille d'eau qui trainait par là, et la lui jetais en passant près de lui, avec un petit mouvement de tête dans sa direction. Rien de tel que de boire de l'eau après avoir dormi, pour se remettre les idées en place. Enfin, en tout cas, c'était ce que je faisais, je ne savais pas si c'était le cas pour Ki Sang. Au pire, il la mettrait de côté, ce n'était pas si grave. Je m'assis sur l'un des fauteuils en face du canapé, en repliant mes jambes sous moi-même, pour être le plus confortablement installée. J'ouvris finalement mon dîner, en faisant du bruit à cause du plastique, et entamais avec bonheur un cookie. J'avais vraiment faim, pour manger ce genre de choses. Il aurait mieux fallu trouver des fruits, les gâteaux, c'était pas le top pour un dîner. Mais trois ou quatre d'entre eux ne pouvaient pas faire trop de mal, pas vrai ? Alors que je mâchais cette délicieuse nourriture, Ki Sang ouvrit à nouveau la bouche.

« Au sujet … Pourquoi tu m'as embrassé ? Je veux dire … Je sais plus où donner de la tête … Ça ne me facilite pas vraiment la tâche. »

Je dus user de toute ma volonté pour éviter de recracher tout ce que j'avais dans ma bouche. Non mais sérieusement, qui posait ce genre de question, quand quelqu'un mangeait ? On pouvait carrément s'étouffer, comme j'avais pu le faire. Je déglutis difficilement. Je me demandais quand il allait me poser la question, et Ki Sang l'avait fait d'entrée de jeu. Bien, il ne trainait pas autour du pot. Je m'attendais à cette question, donc je n'avais rien à craindre.

« Oh ... ça ... », commençais-je, hésitante. Je fis une pause avant de reprendre.« T'aurais vu le nombre de bières que j'ai bu pendant la soirée, je crois que j'aurais même embrassé le directeur s'il avait été là ! Désolée de te décevoir, ce n'était pas mon intention. »

Un rire nerveux résonna dans la pièce. J'espèrais sincèrement avoir été convaincante. Parce que s'il posait une autre question, je n'étais pas sûre d'être prête à y répondre de la même manière que je venais de faire. Je pris une autre bouchée de mon cookie, histoire de ne pas sortir de conneries. Je repensais plutôt à cet après-midi en compagnie de Chul Hei, et je ne pus m'empêcher d'esquisser un sourire en revoyant son visage dans ma tête. Ce mec était vraiment parfait. Pourquoi est-ce que tout le monde n'était pas comme lui ? Ça faciliterait grandement les choses. Pour tout le monde. Pas que pour moi.

En posant à nouveau mes yeux sur Ki Sang, toutes mes autres pensées s'éclipsèrent, et je me surpris à l'observer, sans même m'en rendre compte. Depuis quand est-ce que notre relation était devenue si compliquée ? Et pourquoi est-ce que j'avais l'estomac noué, rien qu'en revoyant son expression heureuse alors qu'il dansait avec cette Soo Mee ? Pourtant, cela ne devait m'affecter en aucun cas, ce n'était pas comme si j'étais aussi tombé amoureuse de lui. Je ne pouvais pas. Je ne le connaissais même pas, et lui, de la même manière, ne savais rien sur moi. Et c'était très bien comme ça. En théorie.

Je me demandais ce qui se tramait dans la tête de Ki Sang ces derniers temps. Parce que, même si je n'étais pas forcément gentille avec lui, et pas forcément logique non plus, je m'inquiétais quand même pour lui. Après tout, au départ, je voulais l'aider, et pas le rendre encore plus mal qu'il l'était. Je me demandais bien sûr ce qui l'avait obligé à pleurer. Mais enfin bon ... il était sûrement aussi enclin à parler de son passé, que moi je l'étais du mien. Mee Kyung ... Si quelqu'un apprenait un jour qu'elle était ma sœur, je pourrais bien me voir obligée de quitter cette école. Au pire, je vivrais en donnant des cours de danse, cela ne me dérangeait pas, du moment que je vivais de ma passion. Perdue dans mes réflexions, je n'avais même pas remarqué le fait que Ki Sang se soit déplacé. Il s'était tranquillement installé auprès de moi, comme si c'était normal, alors que je continuais mon cookie. Je sortis enfin de ma transe lorsque qu'il agita la main devant me yeux. Je m'apprêtais à protester, mais le jeune homme fut plus rapide que moi, en prenant la parole.

« Ho hé , la miss ! On pense à son amoureux secret ? »

En entendant le mot amoureux, je ne pus m'empêcher de sursauter. Parce que je pensais à Chul Hei et à lui, et ils n'étaient pas sûrement pas. Comment pouvaient-il l'être ? Des pensées que j'avais enfoui au fond de moi pendant quelques temps refaisaient à nouveau surface. Le mélange de tous les sentiments que j'avais envers ces deux-là par exemple. Pourquoi tout était-il devenu si compliqué ? C'était tellement simple avant : je dansais, j'étudiais. Alors que là, j'étais amenée à réfléchir également à moi-même et aux personnes qui m'entouraient, à mes sentiments, à ma situation, et surtout, au déroulement de ma vie. Je n'avais jamais eu à faire ce genre de chose, je ne m'étais jamais retrouvée dans ce genre de situation. Que pouvais-je bien faire ? J'aimais beaucoup Chul Hei Oppa, il était vraiment un très bon ami, quelqu'un de génial, avec qui je pouvais pratiquement m'ouvrir totalement. Or, je n'en étais pas encore à ce stade avec Ki Sang, et pourtant, je l'appréciais tout de même, et j'avais envie de le laisser entrer dans mon monde. Je ne pouvais pas dire si je l'aimais comme lui, qui en était si certain, car je ne savais pas ce que cela signifiait réellement. Je n'arrivais qu'à le blesser, et cela me rendait triste. Mais d'un autre côté, il avait bien une petite amie, alors de quoi avais-je peur ? Je secouais la tête en signe de dénégation.

« Non non ! Quelle idée ! » dis-je, d'un air nerveux. « Pas d'amoureux, pas de problème ! »

Je me tournais vers lui en lui faisant un signe de victoire. Alors que ces yeux croisèrent les miens, je ne pus m'empêcher de les détourner, n'osant le supporter. Peut-être parce que je préférais me voiler la face tant que je le pouvais. Avais-je, oui ou non, des sentiments pour Ki Sang ? Rien n'était sûre. Je terminais mon second cookie, et, n'ayant plus faim, je posais la boîte sur ses jambes, pour qu'il puisse en manger s'il en voulait. Je n'étais pas méchante au point de tout manger toute seule, ou bien de ranger la boîte sans lui en proposer. Le silence s'installa dans la pièce, un silence gênant. Je ne savais pas quoi lui dire d'autre. Ou plutôt, je ne voulais pas. J'en avais déjà assez fait les fois précédentes.

« Bon ... bah je crois que je vais y aller, je suis totalement lessivée, après m'être entrainée avec ... » je m'arrêtais au milieu de ma phrase. J'avais failli dire Chul Hei, heureusement que je m'étais arrêté à temps. « les devoirs de danse et tout ça, j'ai plein de boulot ! »

Je me levais de ma place d'un coup, dépliant d'abord mes jambes bien entendu, puis commençais à me diriger vers la porte pour sortir de la pièce.

Alors que je m'apprêtais à sortir pour de bon, la voix de Ki Sang retentit à nouveau dans la pièce. Cela m'aurait étonné qu'il ne réagisse pas … J'avais l'impression qu'à chaque fois qu'on se parlait, c'était obligé qu'il se passe un évènement quelconque, que ce soit un baiser ou un coup de pied. Mais ce n'était pas plus mal finalement. Au moins, ce n'était pas une relation gâteau, genre connaissance ou quelque chose comme ça. Mais le fait qu'il soit amoureux de moi compliquait les choses … Il avait beau dire qu'il voulait simplement être mon ami à présent, j'avais tout de même du mal à le croire. Et tout n'était pas rose de mon côté non plus.

Mon coeur rata un battement en entendant le nom de Chul Hei prononcé de la bouche du jeune homme. Je me retournais pour l'avoir dans ma ligne de vue, et entre ainsi ce qu'il avait à dire. Si je le connaissais ? Evidemment, c'était mon mentor, mon ami proche, avec qui je me permettais de me relâcher un tant soit peu. Le jeune homme assis à l'autre bout de la salle commune avait donc l'impression que depuis ce fameux article du Kuamo, Chul Hei Oppa aurait un comportement agressif envers lui. Est-ce que ça serait possible de sa part ? Je n'arrivais pas à y croire une seule seconde. Pas lui … Non, il n'était définitivement pas comme ça. Pourquoi est-ce qu'il serait devenu méchant, sans même avoir adressé une seule fois la parle à Ki Sang ? L'article ne mentionnait que le baiser. Serait-il … jaloux ? Je me sortis rapidement cette idée de l'esprit. C'était totalement impossible. I. M. P. O. S. S. I. B. L. E. Il faudrait qu'il ait des sentiments plus qu'amicaux envers moi … et ce serait … bizarre ? Mais pourquoi Ki Sang devait mentionner ça, devant moi ? Tout cela allait sûrement me travailler jusqu'à une autre rencontre avec Chul Hei, et je n'avais pas forcément envie de le mettre mal à l'aise, ou de faire de fausses accusations. Je ne voulais pas. Parce que je tenais à lui, quoique je puisse en dire.

« Chul Hei Oppa ? Oh oui, je le connais depuis un bon bout de temps. » Depuis mon arrivée à Seoul en faite. Mais ça, je n'avais pas forcément envie de lui en parler. Je continuais. « Je pense que c'est une coïncidence. Je sais comment il est, il a beau être froid en apparence, c'est vraiment quelqu'un d'adorable » dis-je avec un léger sourire, masquant mon malaise devant une telle nouvelle. Je ne pouvais vraiment pas y croire.

Ki Sang se leva du fauteuil où je me trouvais également quelques temps plus tôt, et quitta sa place pour se placer à côté de moi. J'avais encore accès à la porte, donc je pouvais bien me sauver s'il me disait encore quelque chose de ce genre. Ses yeux flottaient dans le vague, je me demandais bien à quoi il pouvait bien penser. Je n'allais sûrement pas tarder à le savoir. Il voulait que je lui raconte mon passé ? Moi ? Jamais. Je ne pouvais pas. Même si ça l'éloignait de moi, je ne voulais pas qu'il sache que ma mère était devenue folle, que mon père la trompait sans cesse, que ma soeur … était ma soeur et qu'elle était dans cette école. Ce n'était pas si horrible, mais je ne voulais tout de même pas qu'il soit au courant. Que quiconque soit au courant. Je me mis à jouer avec une de mes mèches de cheveux, pour faire partir le malaise de cette nouvelle demande. Ki Sang plongea finalement son regard dans le mien, et je pouvais voir la curiosité les remplir. Sa main se retrouva sur mon épaule. Mes lèvres ne parvenaient pas à bouger, pour lui répondre quelque chose de décent, lui donner une raison pour ne pas s'obstiner. Lui en revanche, continua sa tirade. Ainsi, Ki Sang pensait que j'utilisais mon passé comme un prétexte. Au fond, c'était peut-être la vérité. J'avais peur de le laisser s'approcher trop près. Et puis moi non plus, je ne le connaissais pas du tout. J'ouvris la bouche, mais aucun son n'en sortit. Je déglutis, puis réessayais encore une fois, cette fois-ci, je réussis à articuler quelques phrases.

« Ahem … Ma vie ? Tu voudrais connaître ma vie avant l'université ? » Je reniflais bruyamment avant de continuer. Rien qu'en parler me faisait mal au coeur. « Je crois que je n'ai moi-même pas envie de m'en souvenir. Tout ça, je veux le laisser là-bas. Je ne le renie pas, car il m'a fait comme je suis. Néanmoins, je n'ai pas forcément envie de sortir ces souvenirs-là du placard. » Je fis une pause. «  Et tu sais, ce n'est pas parce que c'est toi que je ne veux pas le faire. Je n'en ai parlé à personne, et je veux que ça reste ainsi » fis-je d'un voix plus ferme.

J'avais conscience de le blesser de plus en plus en lui disant ces mots, mais Ki Sang devait comprendre que je ne voulais pas le faire. Deux personnes étaient au courant que Mee Kyung était ma soeur dans l'école : elle-même évidemment, et Min Woo, mon cousin. Et s'en était assez. Je n'étais pas sûre que Noona tienne sa langue vu son comportement bizarre lors de notre rencontre, mais en tout cas, moi je tiendrais la mienne, coûte que coûte.

« Je suis désolée de te blesser à chaque fois que j'ouvre la bouche » murmurais-je d'une voix peu assurée. « Je t'assure que je n'en ai pas la moindre intention. Tu es … quelqu'un de super. C'est moi qui ne sait pas ce que je veux. »

Je disais la dernière phrase pour moi-même plutôt que pour lui, car c'était la réalité. Tous ces mélanges de sentiments me donnaient mal à la tête.

A chaque rencontre avec Ki Sang, j'avais l'impression de perdre un peu plus de mon assurance légendaire, celle dont j'avais fait preuve la première fois en le frappant et l'engueulant. Je n'arrivais plus vraiment à me comporter de manière méchante envers lui, et si je le blessais, c'était vraiment de manière indirecte. Je n'avais aucune idée de comment réagir, ce que je devais penser ou dire, parce que cette situation était totalement inconnue, et mes sentiments sans dessus dessous. Comment pourrais-je affirmer la même chose que le jeune homme qui se tenait en face de moi ? Il avait changer par amour, mais qu'en était-il de moi ? Était-ce réellement l'amour qui m'avait fait devenir ce que j'étais à ce moment-là, impuissante face à des vérités pareilles ? Chul Hei … ressentait-il réellement quelque chose de plus, que de l'amitié ? Jusque là, comme il le disait si bien, je jouais les innocentes, et qu'il me le dise, cela ne me plasait pas, car je m'étais promis depuis bien longtemps de ne plus tenir ce rôle de fille naïve. S'il avait raison, et que Chul Hei avait des sentiments pour moi, alors dans ce cas-là, j'étais doublement plus mal. Déjà qu'une personne me suffisait amplement pour ma dose de problèmes, ajouter à ça l'un de mes amies, ça n'allait plus du tout. Je n'allais évidemment pas écouter le conseil de Ki Sang, qui me proposait de voir par moi-même en provoquant Chul Hei. J'étais encore sceptique sur ce qu'il me disait. Comment est-ce qu'il pouvait être amoureux de moi ? Yoon Myung Hee ? C'était une énigme que je n'étais pas prête à résoudre, et surtout, je n'en avais pas envie. Je devais justement éviter de le faire, de peur de tomber dans le surmenage sentimental. Si je n'avais pas déjà franchis cette limite. Je décidais de ne pas lui répondre concrètement sur ce sujet, après tout, cela ne le concernait pas directement. C'était à moi de faire le tri dans mes sentiments après tout. Je soupirais. Tout ça devenait vraiment compliqué.

« Je sais pas. T'as peut-être raison. » dis-je

Une réponse-bateau, mais je ne n'arrivais pas à faire mieux en ce moment. Cela aurait été beaucoup plus simple pour moi de m'exprimer par la danse. C'était sûrement la seule chose qui me permettait de tenir le cap en ce moment. Sans danse, j'aurais déjà sombré depuis un bon bout de temps. Je vis un sourire illuminer le joli … enfin le visage de Ki Sang, après qu'il m'eut assuré qu'il comprenait ma position. Il arrivait à être compréhensif dans des moments pareils, alors que je crois que c'était tout le contraire pour moi. Je n'arrêtais pas de blesser tout le monde, et lui surtout, même si j'avais le soucis d'être aussi bon que le jeune homme. Je voulais retrouver cette assurance dans mes décisions, et cela ne serait possible que si j'étais sûre à cent pour cent de la personne pour laquelle mon coeur battait … En parlant de coeur, je le sentis s'accélérer dans ma poitrine alors que Ki Sang me prenait dans ses bras. J'espérais sincèrement qu'il ne le remarqua pas. Le rouge me monta aux joues, elles semblaient chauffer de plus en plus à mesure que les secondes s'écoulaient. De son flot de paroles, je ne compris pas grand chose, trop perturbée par son étreinte. Qu'est-ce qui m'arrivait ? Depuis quand est-ce qu'une chose aussi futile qu'un câlin me perturbait ? Lorsqu'il se détacha enfin de moi, je ne pus que détourner ma tête, afin que mon regard ne croise pas le sien, et qu'il ne remarqua pas le trouble qui s'était emparé de moi. Inspire. Expire. Inspire. Expire. Ce n'est rien. Rien du tout. Non, j'étais simplement si perturbée que j'avais l'impression qu'il me parlait chinois, c'est tout.

Lorsque j'osais enfin relever les yeux pour le regarder, je vis une ombre passer dans les siens, un changement radical par rapport à l'expression qu'il arborait quelques secondes auparavant. Deux types sympas ? Leur dire qu'il était absent ? Ces personnes, faisaient-elle partis de son passé ? Je n'arrivais pas à dissimuler ma curiosité devant lui, mais je doutais qu'il me réponde réellement sur ce que ces personnes représentaient pour lui. Après tout, j'étais la première à lui avoir dit que je ne comptais pas parler de mon passée, alors pourquoi lui le ferait-il ? J'acquiesçais avec énergie et répondis avec entrain.

« Compte sur moi ! »

Même si des centaines de questions me brûlaient les lèvres, je n'ajoutais rien de plus. Si Ki Sang voulait un jour m'en parler, il le ferait de lui même, ce n'était pas moi qui allait l'y inciter.

Alors que je m'apprêtais à partir, la voix de Ki Sang résonna à nouveau. Décidément, il ne voulais vraiment pas me laisser partir. Et surtout, il voulait et osait satisfaire sa curiosité, lui. Il se demandait si je sortirais avec Chul Hei, si ce dernier me le demandait. Très bonne question. Il voulait ma mort c'est ça ? En me posant des questions pareilles, comment pouvais-je me reposer au moins pendant un petit moment ? Myung Hee, qu'est-ce qui t'arrive ? Depuis quand est-ce que tu te laisses submerger par des problèmes aussi insignifiant ? S'ils sont amoureux de toi, qu'est-ce que tu en as à faire ? Tu dois te concentrer sur tes études. Par sur lui. Enfin, sur eux. Je passais une main dans mes cheveux, avant de satisfaire Ki Sang. Il voulait des réponses ? Il allait en avoir.

« T'as raison. Il est pas plutôt beau gosse, mais il est beau gosse tout court. Et il est gentil aussi. Alors c'est normal que je puisse vouloir sortir avec lui, tu ne trouves pas ? » Je fis une pause, avant de poursuivre. « Mais, maintenant que j'y pense, même si Chul Hei Oppa me demandait de sortir avec lui, je ne crois pas que j'accepterais dans l'état actuel des choses. »

Parce qu'un autre petit con essaye de me rendre folle, voulais-je ajouter, mais je garder cette pensée pour moi. Après tout, il ne faisait pas exprès de se comporter comme ça, ce n'était pas de sa faute si Ki Sang était tombé sous mon charme. Mais ce n'était pas de la mienne non plus. Un petit sourire innocent se dessina sur ses lèvres, ce qui le rendait davantage … non, je ne terminerais pas ma phrase. Je sursautais légèrement en sentant son bras entourer mes épaules. Il se permettait toute sorte de liberté celui-là depuis quelques temps. Non mais.

Les paroles qu'il prononça ensuite me firent fondre totalement. Qui n'avait donc jamais espérer entendre ce genre de chose ? Même moi, le fait qu'il me confessa son amour à tout bout de champ me rendait heureuse. Ki Sang était prêt à se battre pour moi, que demander de plus ? Rien. Rien du tout. Comment avait-il réussi à venir à bout de toutes mes défenses ? Je n'arrivais plus à me défendre correctement, et dieu seul savait si j'en avais encore envie. Je me sentais de plus en plus vulnérable au fur et à mesure que les secondes s'écoulaient, et le baiser qu'il déposa sur ma joue ne fit qu'accentuer cette sensation. Une nouvelle fois, mon visage sembla s'embraser, surtout au niveau de l'endroit où ses lèvres avaient été en contact avec ma peau. S'en était trop pour moi. Cet idiot avait réussi, à force de persévérer. Mais je ne pouvais pas me le lui avouer, pas maintenant. Pas avant d'avoir rencontrer Chul Hei une nouvelle fois., et d'être sûre de ce que j'éprouvais, pas avant. Au pire, qu'est-ce qui pouvait bien m'arriver, si je me laissais aller à mes sentiments ? Je le faisais bien lorsque je dansais.

Brusquement, je me détachais de l'étreinte de Ki Sang, et, en me hissant sur la pointe des pieds pour atteindre la bonne hauteur, je déposais un baiser sur ses lèvres. Cette fois-ci, je ne pourrais sûrement pas rejeter la faute sur l'alcool. J'avais seulement des cookies dans l'estomac, pas de quoi devenir ivre. Je contraignis le jeune homme à garder le silence en pressant l'un de mes doigts contre sa bouche, et secouais ma tête négativement.

« Non, je ne ferais pas de commentaire pour l'instant, et toi non plus. Oui, tu vas devoir te torturer encore quelques temps pour savoir ce que j'ai en tête. Mais n'en fais pas trop non plus, pas jusqu'à devoir aller faire un séjour à l'infirmerie par exemple. »

Je lui souris, et enlevais mon doigt, lui redonnant ainsi le droit de parler, en espérant qu'il ne posa pas trop de questions - on pouvait toujours rêver hein. -

« Sur ce, je vais me coucher. »

Qui était l'idiot qui m'avait dit que l'amour pouvait faire changer une personne ? En tout cas, il avait raison.

[ C'est bon t'inquiète pas ♥ ]

Le regard étonné de Ki Sang me fit décocher un mince sourire. Il ne s'y attendait pas à celle-là, n'est-ce pas ? Il était vrai que j'étais assez contradictoire par rapport au début de notre conversation : j'avais essayé de le convaincre que mon premier pas avait été effectué sous l'effet de l'alcool, ce qui, dans un sens, se tenait. Mais d'un autre côté, ne dit-on pas que nos envies sont exacerbées sous l'action de ce liquide ? Maintenant, je n'en doutais plus, c'était bien la vérité. Toutes ces tortures, elles venaient de prendre fin en quelques instants. Tout ça pour ... ça. Même si je n'étais pas encore sûre des conséquences, j'étais sûre au moins d'une chose : mes sentiments envers la personne qui se tenait devant moi, affichant un air dubitatif sur son joli visage. Il entama une phrase, avant de la couper. Le jeune homme leva ses yeux vers moi, et finalement me dit ce qu'il avait sur le cœur. Il fallait s'y attendre : je l'avais tant repoussé, et là, je venais vers lui comme par enchantement. C'était normal qu'il prenne cela pour autre chose, ici de la pitié en l'occurrence. Il me demandait de ne rien faire en fonction de ses sentiments. Pour cela, il n'avait pas à s'inquiéter, j'avais beau être gentille envers les autres, les aider, je ne m'en oubliais pas moins, et je passais en priorité dans la majorité des cas. Ma fuite de la maison en était un parfait exemple. Mon comportement envers Ki Sang durant les dernières semaines en était un autre. Je ne savais pas dans quoi j'allais me lancer, en laissant libre cours à mes sentiments. Je ne l'avais jamais réellement fait, ou bien c'était il y a bien longtemps. Alors, s'il me trahissait en fin de compte, c'était tant pis pour moi. Je l'aurais cherché, je l'aurais cru. Mais quelque chose dans ces yeux me disait qu'il ne me mentait pas. Ki Sang était sincère avec moi, et même si tout cela avait été rapidement, je regretterais pas le choix que je voulais faire. A quoi bon regretter ?

Je m'avançais une nouvelle fois vers lui, et m'élevait au niveau de son oreille, pour lui murmurer quelques mots.

« Soit sûr que ce ne sera jamais de la pitié. Mais je peux te donner un indice. »

Je déposais sur sa joue un léger baiser. Bien sûr, je n'étais pas habituée à distribuer des bisous à tout le monde, alors il ne fallait pas s'étonner si je sentais le rouge me monter un peu aux joues. Néanmoins, un grand sourire illumina mon visage. Je m'écartais de nouveau, et fis quelques pas en direction de la porte, cette fois-ci bien déterminée à quitter la salle commune. Non pas que sa compagnie m'était indésirable, bien au contraire. Mais il ne fallait pas oublier que j'avais passé toute ma journée à danser, alors j'étais vraiment fatiguée. Pourquoi ne lui disais-je pas tout immédiatement ? Pourquoi le laisser encore mijoter, alors qu'il avait déjà assez souffert ? Je voulais m'assurer que mes sentiments étaient réels, même si j'en étais quasiment certaine. De plus, j'avais quand même un peu peur : c'était la première fois que je ressentais justement ce genre de chose envers quelqu'un, et je ne savais pas vraiment comment réagir face à ça. Et si Ki Sang avait raison au sujet de Chul Hei, il me fallait résoudre également ce petit problème, sans que j'ai à perdre son amitié. D'une voix douce, je lui parlais une dernière fois.

« Bonne nuit. »

Puis, je quittais enfin la pièce, mon sourire ne quittant pas mes lèvres.