Plus tôt dans la journée, j'avais eu le droit à un intense cours de danse. Nous avions appris une nouvelle chorégraphie en seulement deux heures de temps. J'avais réussi à l'assimiler correctement évidemment, même si quelques défauts subsistaient encore par-ci par-là. Le temps ne me manquait pas durant cette semaine, je pouvais donc tranquillement la retravailler. Je pensais, en tout cas. Je n'avais pas prévu de devoir le faire pour une date si courte. Le professeur nous rassembla au milieu de la salle juste avant que la sonnerie ne retentissent dans le bâtiment et n'annonce la fin du cours.

« Le plus dure n'est pas de mémoriser une chorégraphie et de la réciter par cœur comme une vulgaire leçon, mais de donner de la vie et de votre style dedans, et de choisir la musique parfaitement adaptée. C'est votre exercice pour demain, bonne chance ! »

Le professeur quitta la pièce, sans même laisser le temps à ses élèves de protester. Ils rouspétèrent donc entre eux, le maudissant par tous les noms connus. Même si l'envie y était, je ne l'avais pas fait, car, ces exercices difficiles, c'était eux qui faisaient la bonne réputation de l'université, et donc, que le niveau était si élevé. Si mes camarades de classe n'aimaient pas ça, je ne voyais pas ce qu'ils faisaient ici. Bref. Je me douchais, déjeunais ensuite à la cafétéria, pour reprendre des forces avant le long après-midi qui m'attendait.

J'assistais à d'autres cours avant de rejoindre finalement en fin d'après-midi la salle d'entraînement que j'avais eu le soin de réserver au préalable. A cause de ce devoir, je me retrouvais à présent dans cette salle, noyée dans les cd mis à disposition, car quelqu'un - que je ne nommerais pas pour rester concentrée sur mon affaire - l'avait malencontreusement éclaté par-terre contre le carrelage des vestiaires. Donc, je me retrouvais en train d'écouter tous les cd à l'ancienne. Heureusement, il y en avait des récents, le stock était régulièrement fourni afin de ne pas avoir un répertoire trop vieillot. Mais je n'arrivais pas à trouver la mélodie qui correspondait. Mais alors vraiment pas. Cela faisait sûrement une heure ou plus que j'étais assise sur le parquet, et j'étais vraiment désespérée. Un soupir. Puis deux. Puis encore un. Je ne comptais plus. Je ne pensais pas que cet exercice allait me prendre autant de temps. Moi qui me réjouissait à l'idée d'avoir un peu de temps libre, c'était raté.

Alors que j'allais sombrer dans la dépression la plus totale, car je n'arrivais pas à faire un simple exercice de routine, je levais les yeux, et aperçus une silhouette se tenant debout à l'opposée de la salle. Lorsque je reconnus Chul Hei oppa, je ne pus m'empêcher de sourire. Il n'avait pas changé depuis la dernière fois que je l'avais vu, c'est-à-dire, depuis mon acceptation à KUA. Toujours décontracté, un corps de rêve et un petit sourire en coin qui faisait tomber toutes les filles, ça c'était mon oppa. Comment j'en étais arrivée à l'appeler comme ça, à en rendre jalouse tout le monde ? Disons qu'il m'avait un peu forcé la main, après en avoir eu marre d'entendre des sunbae sans arrêt, lorsque nous étions au même cours de danse à Séoul. Il m'avait énormément aidé alors, puisque c'était durant la période où j'avais quitté la demeure familiale pour poursuivre mon rêve. Bien sûre, lui, n'était au courant de rien. Ce n'était pas comme si c'était un ami très proche. Mais je le considérais tout de même comme un ami. D'ailleurs, pourquoi ne pourrait-il pas m'aider maintenant aussi ? Je me levais immédiatement de ma place, manquant de trébucher sur les cd éparpillé un peu partout sur le sol, et courus dans sa direction, et m'arrêtais juste devant lui, histoire de ne pas lui rentrer dedans.

« Annyong Chul Hei oppa ! Je suis contente de te revoir ! Je ne t'avais pas encore vu depuis que je suis arrivée, et pourtant, on est dans la même résidence ! Qu'est-ce que tu fais ici ? »

Je ne lui laissais même pas le temps de répondre, et enchaînais, un sourire aux lèvres.

« Dis, tu veux bien m'aider ? Je crois que je vais devenir folle sinon. S'il-te-plaît ? »

Un petit air de chien battu ferait l'affaire. J'avais vraiment besoin de son aide à ce moment-là. Je ne m'autorisais ces moments de faiblesse que devant lui, car c'était lui qui m'avait le plus aidé en danse, un professeur particulier si je puis dire.

Je n'avais pas pour habitude d'être aussi bavarde en compagnie d'autres personnes, ni même de les bombarder de questions, comme je venais de le faire avec Chul Hei. Mais justement, parce que c'était lui, j'arrivais à me montrer telle que j'étais, sans avoir besoin de me méfier en permanence d'un coup bas ou d'une trahison. En faite, je savais que je pouvais lui faire confiance, depuis le temps que je le connaissais. Ce qui était génial, c'était qu'on habitait ensemble cette année, dans la même résidence. Je ne pensais pas que c'était possible de mélanger des élèves de différentes années ensemble, mais en faite, c'était premier arrivé, premier servi, alors c'était une vrai chance de me retrouver avec lui. Malheureusement, je n'avais pas réussi à l'intercepter, ni même lui parler, nos emplois du temps respectifs étant différents. Alors, puisqu'il était là, en train de me regarder, cela voulait dire qu'il avait un peu de temps libre pas vrai ? Donc je pouvais profiter de lui, sans que rien ni personne ne me gêne ? Accompagné d'un grand sourire, il commença à me parler.

« Je t’épie Myung Hee, répondit le jeune homme. »

Cette réponse me fit sourire à mon tour. Je le frappais légèrement de mon poing sur son torse, en faisant mine d'être vexée. Je savais bien que Chul Hei essayait de me divertir en me sortant des phrases de ce genre, et il arrivait bien à me faire rire, là où d'autres échouaient.

« Si c’est dans mes cordes, je serai ravie ma belle. Te dilate pas la pupille, Myung Hee, en quoi puis-je t’être utile ? Demanda-t-il. »

Un sourire illumina mon visage, en entendant cette réponse tant attendue. En même, temps si il avait dit non, je l'aurais quand même obligé à m'aider, alors autant le faire dans la bonne humeur, n'est-ce pas. Je l'attrapais par la main, et en tâchant de contrôler les émotions, et ne pas les voir apparaître soudainement sur mon visage, je l'emmenais à l'autre bout de la pièce, près de la chaîne hi-fi. Il fallait avouer, que Chul Hei était vraiment un homme de rêve, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, donc il ne fallait pas s'étonner qu'il me fasse de l'effet. Combien de fois je m'étais demandée si un jour on pouvait former un couple. Combien de fois j'avais trouvé des arguments pour réfuter cette idée, et l'oublier dans un coin de ma tête. De plus, mes sentiments restaient confus en ce qui concernait une certain jeune homme dont je ne citerais toujours pas le nom pour ne pas me perdre dans mes propres pensées une fois de plus. Et puis, il avait sûrement pleins d'autres jeunes filles mieux que moi à aimer. De mon côté, j'avais peur, si quelque chose arrivait entre nous, que j'y perde ma liberté, comme l'avait fait ma mère des années avant moi. Je n'avais eu que cet exemple-là pour me référer aux relations amoureuses, alors je n'en avais pas un très bon avis.

« T'inquiète pas, tu vas pouvoir m'aider en deux temps trois mouvements, et après, je te lâcherais ! »

Arrivés devant les piles de CD, je rompis le contact entre nos deux mains, légèrement à contre-cœur. Je me tournais vers lui, en arborant une expression sérieuse.

« Bon voilà. On a appris une nouvelle choré' en cours, et le professeur nous a demandé de choisir une musique et d'y ajouter du notre. Pour ajouter du mien, je peux le faire, mais j'arrive pas du tout à trouver LA musique idéale. »

Pour l'aider un peu dans ses recherches, je m'écartais de quelques pas, me plaçant pratiquement au centre de la salle d'entraînement, et lui montrais en gros quelques mouvements de l'enchaînement, sans les bâcler pour autant. C'était du hip hop, alors des chansons, il y en avait des tas. Mais perfectionniste comme je l'étais, ce n'était pas simple de trouver la bonne.

« Il me faut quelque chose qui bouge, qui me donne envie de me déhancher. T'aurais rien en réserve, Superman ? »