« Que c'est bon de penser que l'univers est possible. »

Tu te regardes. Tu t'examines dans le grand miroir. Ta minceur. Tes jambes filiformes. Ton ventre plat. Ta poitrine qui se soulève au rythme de ta respiration. Tes clavicules légèrement saillantes. Tes cheveux en bataille. Ton visage enfantin. Ta bouche sérieuse. Ton nez fin. Ton regard dur, qu'aucune émotion ne peut traverser. Tu le hais ce regard.
Tu fermes les yeux. Tu espères y voir la galaxie caché là, sous tes paupières. Rien. L'imagination t'a quitté. L'infiniment grand qui te transporte n'est plus. Une larme roule sur ta joue. C'est l'inspiration qui s'en va. A travers le miroir tu fixes la chaîne hi-fi et le petit ordinateur dans un coin de la pièce. Cette machine contient ce pourquoi tu es en vie. Ce pourquoi tu t'es battue. Ce pourquoi tu te bats. Ce pour quoi tu veux encore te battre. Mais à quoi bon, si l'immatériel s'en va.
Tu ressens ce besoin maladif de créer. C'est comme une bombe à l'intérieur de tes entrailles qui menace d'exploser. Tu essayes de garder ton calme face à ta page blanche. Tu te rapproches de la fenêtre. La nuit. Personne. Rien. Tout autour de toi n'est que néant. Tu remarques enfin le silence. Tu paniques. Tu as toujours eu peur du vide et de son non-bruit. Tu tentes de te ressaisir. En vain, l'inspiration ne revient pas. Tu es forcée d'accorder toute ton attention à cette phobie qui te rendrait folle. Ta respiration se saccade. Ton reflet dans la vitre t'effrayes. Tu sens que le contrôle se perd. Dans un accès de délire soudain, tu abats ton poing sur ton autre. La vitre se brise. Le silence est rompu.

Les photos défilent lentement sur ton écran de veille. Tu les regardes, là, assise à même le sol, ta main légèrement ensanglantée serrée dans ton t-shirt. Chacune te fait comme un pincement au cœur. Tu te dis que tu aimerais à nouveau vivre ces moments heureux avec les personnes que jamais tu n'oublieras. Une image t'interpelle parmi le tout.
Ta famille. Ta petite sœur, ton père, ta mère, toi. Tout le monde sourit. Toi non. Tu a déjà beaucoup changé. Et tu sais déjà. Tu sais déjà que tes parents vont divorcer, et que ce moment est l'un des derniers que vous passez ensemble. Photo suivante.
Ta sœur. Elle te ressemble. Tu l'aimes, tu donnerais ta vie pour cette enfant. Elle sourit sereinement devant l'objectif. Elle vient de recevoir une bonne note au collège. Ce peu qui la rend heureuse ne peut que te réchauffer le cœur. Elle avait ce don là, te remonter le moral avec un sourire. Photo suivante.
Tes amis. Tu es au milieu d'une bande de jeunes. C'est la fête tout autour. Le nouvel an. Ton sourire est lumineux. Ce sourire te manque, désormais. Tes amis aussi. Photo suivante.
La salle de danse de quartier. Là où tout est né. Là où tu as commencé la danse classique pour faire comme les autres. Là où tu as passé ton enfance. Là où tu as voulu arrêter une fois lycéenne. Là où tu n'as pas pu. Là où ton obsession a commencé. Là où tu as réalisé que la danse était devenue tout, qu'elle avait envahit jusqu'au moindre de tes nerfs. Photo suivante.
Tes amis. Encore. Ils sourient tous. Et toi tu es au milieu, sérieuse. Ils font ce qu'ils peuvent pour te décrocher un rire, une grimace. Ils ne peuvent pas. Tes sourires sont devenus aussi rares que tes paroles inutiles. Photo suivante.
Non. Un petit mouvement sur le pavé tactile et tout disparaît. Tu réalises à quel point tu as changé. Tu te demandes comment tu en es arrivée là. Tu étais une fille souriante, pleine de vie. La danse était ta passion mais jamais tu n'aurais pu imaginer finir ainsi. Tu cherches, tu remontes le temps à la recherche de l'élément déclencheur. Le divorce de tes parents ? Non, tu n'en as pas souffert. Le changement, il est arrivé quand le désir de perfection s'est manifesté. Tu avais besoin de te complaire dans l'art que tu pensais être tien. Tu réalisais au fil des heures d'entraînement que la danse ne vaudrait rien si elle ne venait pas de l'intérieur de ton corps, du plus profond de ton âme. Tu comprenais que la musique n'était pas que l'outil du danseur. Tu redécouvrais ta passion de l'intérieur, avec une intensité que tu ne connaissais pas. Tu oubliais qui tu étais pour te plonger plus loin encore dans ton infini. Oublier. Plusieurs semaines, plusieurs mois. Le temps que tu as mis à changer avec le monde réel. Tu ne souriais plus. Toute parole inutile mais sympathique avait disparu. Tu ignorais ta famille et tes amis. Tu en venais parfois à être dégoûtée de ta condition d'humaine.
Et maintenant. Maintenant tu es là, blessée, assise par terre. Tu es en colère. Contre les autres qui n'ont rien fait. Contre toi qui n'a pas réagi non plus. Haine.

Tu te lèves d'un bon. L'inspiration revient. Distraitement, tu regardes l'heure sur ton téléphone. Trois heures du matin. Parfait. Tu as encore beaucoup de temps avant le début des cours. Tu sélectionnes une musique dans tes documents. Non. Tu sélectionnes La musique. Celle qui va te rendre heureuse pendant quelque heures. Tu ne sens même plus ta main qui peu de temps avant te faisais presque pleurer de douleur.
Tu te regardes. Tu t'examines dans le grand miroir. Rien a changé. Sauf que tes yeux brillent. Et en regardant au bon moment, une fraction de seconde, ton visage s'est illuminé d'un sourire.

Euh. Je m'appelle Marie, j'ai quinze ans, je vis à Troyes (là où le champagne est bon), et... voilà. Je végète en attendant la fin dans une classe de seconde où les gens sont globalement cools. Euh. J'écoute beaucoup de musique, j'essaye de varier les genres et les artistes, j'écoute énormément de kpop, jpop, dubstep, trip-rock, etc. Euh. Voilà. J'aime pas beaucoup parler de moi, v'voyez.
Scénario [ ✗ ]
Code Règlement: Backstage?